Comment formuler une demande cadrée ?

En tant que manager, lorsque nous demandons une action à un ou plusieurs collaborateurs, nous pouvons être déçus par leur comportement. Par exemple, lorsque nous nous démenons pour organiser un repas d’équipe et que peu de collaborateurs participent. Par exemple, lorsque nous déléguons un dossier à un collaborateur et qu’il le rend en retard. Nous pouvons alors ressasser, pensant que nous aurions dû établir un cadrage plus clair. Le risque est de conserver une rancœur vis-à-vis de certains membres de l’équipe, pouvant, à terme, conduire à un isolement du manager. Quelles sont les règles pour effectuer une demande claire, et éviter les déceptions ?

Un pré-requis : un responsable et un seul

Connaissez-vous l’effet Kitty Genovese ? Kitty Genovese est une jeune femme de 19 ans, résidant à New York et sauvagement violée et assassinée dans la nuit du 13 au 14 mars 1964. Poursuivie par son agresseur pendant plus d’une demi-heure dans les rues de la ville, elle succomba à une dizaine de coups de couteau.

Le 27 mars 1964, le New York Times titrait « Les 38 témoins du meurtre qui n’ont pas appelé la police ». Selon les premiers éléments de l’enquête, de nombreux témoins auraient assisté à la poursuite sans intervenir. Les raisons avancées furent variées : « à cause du froid », « parce que quelqu’un devait s’en être chargé », « je croyais que c’était une querelle d’amoureux ». Autrement dit, aucun n’avait pris la responsabilité d’intervenir.

Depuis, cette version du New York Times a largement été remise en question. Elle est toutefois à l’origine de nombreuses études sur le phénomène de « dilution de responsabilité ». Face à une situation d’urgence, plus un groupe est important, plus sa probabilité d’inaction est grande.

En management, cela implique que pour éviter la dilution de responsabilité, il est impératif de nommer pour chaque tâche un responsable et un seul.

Mieux vaut préparer que réparer

En formulant une demande, notre enjeu est que le feed-back des collaborateurs soit positif, c’est-à-dire que le résultat soit celui que nous attendons. Cela implique 2 points :

  • Avoir, en tant que manager, une vision très claire du résultat attendu
  • Exprimer avec la plus grande efficacité notre demande La préparation sera notre meilleure alliée.

Préparer le fond

Que souhaitons-nous précisément ? Des demandes telles que « Faites une recommandation sur la stratégie à adopter » ou « Optimisez les budgets promotionnels » ouvrent la porte à de nombreuses interprétations et sont donc sources d’incompréhensions. Il est fréquent, en tant que manager, d’employer ces formulations car nous ne savons pas très bien ce que nous voulons. Comment nos collaborateurs pourraient-ils le savoir ?

Un vieil adage managérial précise : « Instructions floues = conneries précises »
Avant toute demande, à nous de clarifier ce que nous attendons du ou des collaborateurs.

Préparer la forme

Pour augmenter les chances d’adhésion à la demande et limiter les erreurs, employons une structure en 3 temps :

1 EXPRIMER LA DEMANDE

  • Pourquoi : expliquer en premier lieu les raisons de la demande. Dans quel contexte se fait-elle ? À quel besoin répond-elle ? Quel est l’enjeu ?
  • Quoi : expliquer avec la plus grande précision ce que nous attendons de la personne.

– Utiliser un vocabulaire clair et indiscutable : éviter les mots-valises, polysémiques, tels que « gérer le client », « optimiser le budget », « prendre en main le dossier », « rationaliser l’approche »

– Préciser les tâches, surtout pour les débutants : « remplir le tableau », « envoyer un mail au client »

– Préciser le type de rendu attendu : sous quelle forme souhaitons-nous le travail (fichier Excel ? fichier audio ? Word ?) ? quel est le niveau de qualité attendu ?

– Indiquons ce que nous souhaitons valider et quand. « Je vous laisse carte blanche sur les documents Alpha. En revanche, je souhaite valider avant diffusion le document Beta »

Quand : clarifier le délai avec une date déterminée, ou, à défaut, une fourchette.

2 CLARIFIER LES REGLES DU JEU

Conditions de succès : indiquer sans détour les conditions de réussite

– Utiliser un vocabulaire concret. Préférer « j’ai besoin que chacun travaille 4 à 5 heures de plus la semaine prochaine pour absorber le surplus d’activité » à « je compte sur votre solidarité et votre sens du collectif ».

Employer le « je ». Préférer « j’accorde une grande importance à ce que nous arrivions tous avant 09h30 » plutôt que « Il faut arriver avant 09h30 »

– Être sincère, en exprimant ce qui est authentiquement important pour nous, en résonance avec nos valeurs. Par exemple, « Ce qui est majeur pour moi, c’est que nous envoyions un compte rendu au client dans les 48 heures. J’accorde une grande importance au service client »

Points de vigilance : indiquer sans détour les points à surveiller

– Déminer les potentiels comportements irritants, en écho aux valeurs personnelles « Certains peuvent penser qu’un séminaire le week-end empiète sur la vie privée. C’est en partie vrai. D’un autre côté, pour moi, c’est essentiel de passer des moments conviviaux au-delà du travail quotidien. Je souhaite que tout le monde participe. Bien entendu, si certains ont des empêchements majeurs, vous êtes libres de venir m’en parler »

Lister les erreurs inacceptables dans l’exécution «Il n’est pas possible d’envoyer un document avec des fautes d’orthographe » « Il est impératif que je valide la version finale de l’accord avant signature »

– Si nécessaire, clarifier les règles d’interaction à respecter « Je ne tolérerai aucun manque de respect dans mon équipe. Ce qui veut que les mots tels que xxxx sont proscrits. Je vous demande de respecter cette règle. »

3 CONCLURE POSITIVEMENT

  • Eventuellement demander aux collaborateurs s’ils ont des questions
  • Toujours conclure positivement « cela permettra de »

En synthèse, pour réaliser un cadrage efficace lors de nos demandes, respectons quelques bonnes pratiques. Nommons un responsable. Identifions le résultat concret que nous souhaitons obtenir de la part des équipes. Employer la méthodologie en 3 temps en formulant la demande (Pourquoi, Quoi, Quand), clarifiant les règles du jeu (les dos et don’ts) et concluant positivement. Et n’oublions pas : établir des règles, c’est donner l’occasion aux collaborateurs de « jouer le jeu » et transformer leurs essais.

Agnès Brunet Desarnaud

Sources :

– L’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman

– 100 règles d’or d’un management positif et heureux, Magali Mounier Poulat, Solenne Roland-Riché.

– Les clefs du leadership positif, MOOC ESSEC Business School

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